C’est au milieu des années 90 que j’ai pour la première fois croisé en action AT.
A l’université de Chicoutimi en plein hiver il avait procédé à la lecture intégrale de l’œuvre emblématique de Mark Twain, Tom Sawyer ( déjà mis à l’index , prélude du wokisme en gestation )
Non pas à la manière d’un acteur mais en artiste habité par l’œuvre, tantôt chuchotée , tantôt fredonnée, chantée, hurlée pendant prés de 4 heures.
Le principaux reproches alors, furent son accent marseillais qui pointait de ci de là et sa tenue vestimentaire, une chemisette en lin.
L’accent pris comme une moquerie envers les provençaux et la chemise comme une provocation envers les Québecois qui doivent subir des températures négatives une bonne partie de l’année !
Dans un monde mature cette action serait restée comme ce qu’elle était au fond, une action légère, un brin potache,
mais dans ce monde chancelant, elle s’est bonifiée, a vieilli tel un bon bourgogne et s’est malheureusement révélée au fil du temps, aussi, voire beaucoup plus, iconoclaste que les actions emblématiques de l’age d’or de l’art action.
En effet pour les Actionnistes viennois, l’histoire était figée , les méchants et les puissants connus et au fond les risques étaient mesurés, et établis.
Avoir l’intuition avec trente ans d’avance que les atteintes à la libertés les plus violentes viendraient de censeurs vertueux était autrement plus hardie que tout les taillages de veines festifs et autres coprophagies institutionnelles.
C’est sûrement ce sens de l’identification intuitive qui a fait que
plus de 6 ans après le visionnage de America Ergo Sum
cette vidéo également présenté au cours de cet hiver, le titre comme son contenu
( les scansions d’extraits de Normance mis en musique ! ) était entrés en résonance de manière troublante avec une actualité dramatique de septembre 2001.
(pour mémoire le « Nous sommes tous américains » de Colombani du Monde )
Et trouve le moyen de me troubler encore.
C’est ainsi que depuis lors, je ne peux appréhender une de ses pièces sans en rechercher derrière la maladresse d’un trait, un lourd emplâtre, ou une pâte légère, la grâce médiumnique d’un simple détail, de tous un ensemble.
Que ce soit devant une photographie, une huile, un dessin, comme dans Blow up d’Antonioni , je scrute, cherche, me laisser submerger, : « où se cache le cadavre ? »
Marcel Castor Bouchard